« Je suis la petite-fille d’un commandant général des forces armées colombiennes. Mon grand-père, et aussi mon père, un commandant rebelle du peuple, m’ont enseigné que l’éthique et l’honneur militaires existent ; c’est pourquoi je refuse de croire que nous sommes condamnés aux abus d’autorité, à la violence contre des citoyens désarmés et innocents ». Tels sont les propos tenus par MarÃa José Pizarro, députée de la Chambre des Représentant∙e∙s de Colombie depuis 2018, et l’une des rares femmes politiques du pays. Des générations entières de Colombien∙ne∙s ont été exclu∙e∙s de la vie politique, alors que l’État exerce toujours sa domination.
PANORAMA HISTORIQUE DES DROITS CIVILS EN COLOMBIE
Les femmes, ainsi que les communautés noires, indigènes et LGBTQIA+ ont été délibérément invisibilisés par le récit officiel de la construction de l’État-nation. C’est grâce aux mouvements sociaux qu’iels ont pu faire avancer leurs droits.
En 1990, le rassemblement étudiant La séptima papeleta permet la rédaction de la Constitution de 1991, qui reconnaît l’égalité femmes-hommes et octroie davantage de droits aux femmes. La Loi des quotas, adoptée en 2000, encourage l’élection de femmes à des postes exécutifs et législatifs.
Pourtant, les 56 femmes parlementaires ne représentent que 21,6% des élu∙e∙s de l’institution.
L’État de droit est également régulièrement bafoué, et ce sont les défenseur∙se∙s qui en font les frais. Le 14 novembre dernier, 163 assassinats de leader∙euse∙s sociaux∙les ont été recensés. En 2019, la Colombie était le pays le plus dangereux pour les militant∙es écologistes, avec 219 morts. En 2021, il est classé 134ème sur 180 pays pour la liberté de la presse.
PERSPECTIVE DES AVANCÉES DE LA LUTTE FÉMINISTE
Les quelques droits civils obtenus par les femmes sont sans cesse remis en cause. Si le suffrage universel masculin est instauré en 1936, il faut attendre 1957 pour que les femmes puissent voter à leur tour. Quant aux droits à la contraception, ils sont limités. Depuis 2006, l’IVG est autorisé dans trois cas : un viol, une malformation du fœtus ou si la grossesse constitue un danger pour la santé de la personne enceinte. Dans le sillon de l’Argentine, la Cour Constitutionnelle devait statuer sur la dépénalisation de l’avortement ce vendredi 19 novembre. Le système bloquant toujours cette mesure, le débat a été repoussé.
Le contexte d’injustices sociales inspire de nombreuses revendications portées par les mobilisations populaires de 2019 et 2021. Bien que les manifestant∙e∙s utilisent la désobéissance civile pacifique et l’art, l’État riposte par la violence. L’ONG Temblores dénombre au moins 73 victimes (contre 21 selon les autorités) et 4 687 cas de violence policières rien qu’en 2021.
Malgré tout, des avancées sont à noter. En octobre 2019, l’élection de Claudia López, en tantr que maire de Bogotá, la capitale, constitue une victoire historique pour l’émancipation des femmes : elle est la première femme et la première femme lesbienne à être élue à ce poste.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat entre Agir ensemble pour les droits humains et l’association Aves de Paso (Marina Avdibegovic et Jonathan Z. Coronel).