âCette histoire maintenant ne tâappartient plus, ça appartient maintenant Ă toute notre communautĂ©, ça appartient Ă notre combat.â Tels sont les mots de Jean-Claude[1] Ă Michel lorsque ce dernier obtient son baccalaurĂ©at. AprĂšs une annĂ©e difficile, en raison des violences subies par Michel autour de son coming out en pleine prĂ©paration du fameux examen, Jean-Claude, bluffĂ© par lâhistoire de lâadolescent, lui propose de porter son histoire Ă lâĂ©cran afin dâinspirer dâautres jeunes mais aussi de sensibiliser le public congolais aux violences et discriminations faites aux minoritĂ©s sexuelles et de genre.
De lĂ naĂźt Michel-le-s, un film de plaidoyâart[2] avec une Ă©quipe mixte (professionnel·le·s, amateurs·rices, hĂ©tĂ©rosexuel·le·s, gays), qui raconte lâhistoire dâun Michel fictionnel qui prĂ©pare son baccalaurĂ©at en RĂ©publique du Congo. Son frĂšre dĂ©couvre son homosexualitĂ©, quâil tentait de cacher, et en parle directement Ă leur pĂšre, qui est un homme religieux. Celui-ci sâen prend violemment Ă Michel et le chasse de la maison familiale. DĂ©sormais livrĂ© Ă lui-mĂȘme, Michel se tourne vers les membres de la communautĂ© des minoritĂ©s sexuelles et de genre qui le soutiennent dans cette Ă©preuve. Outre le personnage de Michel, et comme indiquĂ© par le titre, câest toute la diversitĂ© des minoritĂ©s sexuelles et de genre qui y est reprĂ©sentĂ©e ainsi que les moments de joie et de solidaritĂ© entre membres de la communautĂ© mais aussi les multiples violences et discriminations auxquelles iels font face.
âLâOCCIDENTALISATION EST DEVENUE NOTRE PREMIER OBSTACLEâ
Le film se place dans une optique dâafricanisation des luttes et mouvements pour les droits des minoritĂ©s sexuelles et de genre car lâoccidentalisation est la premiĂšre difficultĂ© Ă laquelle lâassociation Coeur-Arc-en-Ciel fait face dans ses activitĂ©s de plaidoyer. âSoyons nous. Trouvons des proverbes africains, des proverbes congolais qui feront en sorte que la mĂ©diation puisse se passerâ a dĂ©clarĂ© Jean-Claude lors de ses sĂ©ances de travail avec le scĂ©nariste, Alphonse Mafoua. Rien dans le scĂ©nario nâa Ă©tĂ© laissĂ© au hasard : intĂ©rieurs des maisons, costumes, vĂȘtements, repas⊠tout est africain. Le lingala est aussi lâune des langues principales du film, avec le français, afin de rappeler la culture congolaise et faire le lien entre la RĂ©publique du Congo et la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo voisine, oĂč cette langue y est aussi parlĂ©e.
Premier film de ce genre en RĂ©publique du Congo, Michel-le-s vise Ă mettre en lumiĂšre la culture africaine des minoritĂ©s sexuelles et de genre, dans laquelle les spectateurs·rices sont immergé·e·s. De la reprĂ©sentation des bitesha[3], en passant par la culture quiproquo partagĂ©e par le Congo et la RDC, les histoires africaines de la communautĂ© y sont contĂ©es. La culture quiproquo, qui transparaĂźt dans tout le film est une riche culture homosexuelle nĂ©e Ă Kinshasa et arrivĂ©e au Congo, encore peu explorĂ©e. Câest un langage secret, incomprĂ©hensible pour les non initié·e·s afin de ne pas ĂȘtre repĂ©ré·e·s, enseignĂ© par les aĂźné·e·s, appelé·e·s âmamansâ dans les communautĂ©s tchong et qwa danguĂ© ou âpapasâ dans les communautĂ©s lesbiennes, Ă leurs âenfantsâ, ces jeunes nouvellement arrivé·e·s dans la communautĂ©.
âGRĂCE Ă LâASSOCIATION, JE ME SUIS SENTI CHEZ MOIâ
Tels sont les mots de Michel, source de lâhistoire du film, qui dĂ©crit ce que le systĂšme des âmamansâ et des âenfantsâ lui a apportĂ© dans sa vie lorsquâil a Ă©tĂ© chassĂ© de chez lui par son pĂšre. Ce systĂšme est montrĂ© dans Michel-le-s Ă travers la relation entre le personnage de Michel et celui de Jean-Claude, qui devient sa âmamanâ. Les âmamansâ sont les aĂźné·e·s qui encadrent et Ă©paulent les jeunes lorsque celleux-ci sont rejeté·e·s par leur famille pour leur orientation sexuelle et/ou leur identitĂ© de genre. Les âmamansâ de la communautĂ© des minoritĂ©s sexuelles et de genre remplacent un peu la famille biologique perdue et apprennent Ă leurs enfants tout ce quâil y a Ă savoir sur leur sexualitĂ©, comment se comporter en sociĂ©tĂ© ou encore comment parler le quiproquo. Lâobjectif est bien entendu lâĂ©panouissement des jeunes pour quâiels puissent vivre leurs vies comme iels lâentendent.
Outre les relations des âmamansâ et des âenfantsâ, le film relate la solidaritĂ© qui unit les minoritĂ©s sexuelles et de genre au Congo, notamment au travers des scĂšnes tragiques. Une scĂšne en particulier illustre cela. Le jour suivant le rejet de sa famille, Michel rejoint son petit copain et des ami·e·s elleux aussi homosexuel·le·s. Iels partagent leurs histoires de coming out et les violences quâiels ont subi de leur famille particuliĂšrement. Entre deux pleurs, les ami·e·s de Michel lui disent quâil nâest pas seul car celui-ci est entourĂ© de la communautĂ© qui le soutiendra et lâaccompagnera sur le chemin de sa vie et de lâacceptation de soi. âLâacceptation ce nâest pas de faire le coming out. On nâest pas dans la culture du coming out. On est dans la culture du vivre collectif. Nous ne sommes pas des sociĂ©tĂ©s individuelles mais des sociĂ©tĂ©s collectivesâ a dĂ©clarĂ© Jean-Claude Pongault Elongo. Dans cette lancĂ©e, il Ă©tait important de reprĂ©senter la communautĂ© dans son ensemble, dans les moments de violence et discriminations qui arrivent quotidiennement mais aussi dans les moments de joie et de cĂ©lĂ©bration. Le film se termine dâailleurs sur de trĂšs bonnes nouvelles ainsi quâune fĂȘte cĂ©lĂ©brant les cultures homosexuelles du Congo et de la RDC.
Michel-le-s est disponible gratuitement sur vimeo avec le code FIERTES2021
Découvrez-en davantage sur la situation des minorités sexuelles et de genre en République du Congo, mais aussi au Cameroun et au Sénégal, avec la campagne #FiertésSansFrontiÚres lancée par Agir ensemble pour les droits humains.
[1] Producteur du film et Directeur ExĂ©cutif de lâassociation brazzavilloise Coeur-Arc-en-Ciel qui dĂ©fend les droits humains et intervient notamment dans la lutte contre la propagation du VIH/SIDA ainsi que dans la dĂ©fense des droits des groupes vulnĂ©rables.
[2] Association des mots âplaidoyerâ et âartâ, qui se veut une nouvelle stratĂ©gie de plaidoyer visant Ă sensibiliser le grand public sur des questions complexes. A travers lâart, la culture, le cinĂ©ma, la musique, la photographie, il sâagit dâinformer, de mettre en avant les causes dĂ©fendues.
[3] Au singulier kitesha, dĂ©signe une troisiĂšme identitĂ© de genre, des hommes qui se comportaient et sâhabillaient âcomme des femmesâ.