Du journalisme à la création d’une ONG défendant les droits des femmes, Passy Mubalama a franchi le pas en 2011. Son combat sur un sujet qui l’anime autant qu’il la révolte est aujourd’hui quotidien.
Coup d’œil dans le rétroviseur. Il y a un peu plus de 10 ans, le quotidien de Passy Mubalama est fait d’enquêtes et autres interviews. C’est durant ce début de carrière qu’au-delà de relater des faits, elle se trouve aux premières loges « de la violation des droits des femmes et des enfants, des viols subis par certain.e.s, ou encore de celles et ceux qui ont perdu la trace de leur parents. En tant que congolaise, je devais faire quelque chose pour lutter contre tout cela », rembobine-t-elle en se rappelant notamment des victimes de violences sexuelles dans le camp du Mugunga, au Nord-Kivu. Sa révolte, celle qui a grandi et vit encore Goma la matérialise très concrètement, en fondant AIDPROFEN (Action et Initiatives de développement pour la protection de la femme et de l’enfant). À 27 ans, elle devient alors une des voix qui comptent dans une partie du pays où sévissent plus de 120 groupes armés. Renforcer la capacité des femmes à se défendre elles-mêmes et à plaider leurs droits, favoriser leur leadership et leur représentativité dans les instances de prise de décisions, se battre contre une société patriarcale et certaines coutumes qui marginalisent les femmes à cause de leur genre, prendre en charge des victimes etc. : sur le terrain ou via des plaidoyers, Passy Mubalama et son ONG s’acharnent, avec l’appui d’Agir ensemble pour les droits humains, comme en 2014, lors de la mise en place de divers soutiens pour les jeunes filles ayant eu des enfants après un viol.
MASCULINITÉ POSITIVE
Si travailler sur les droits humains dans un contexte congolais parfois très instable comporte des risques, Passy Mubalama n’en a cure et préfère « continuer à dénoncer ». La preuve ? En 2017, AIDPROFEN publie un rapport sur l’exploitation sexuelle des enfants sur le territoire de Masisi qui pointent notamment du doigt policiers et militaires. Les menaces ne tardent pas. Mais elles ne refroidissent en rien les ardeurs de l’ex-journaliste, qui n’hésitera pas, l’année suivant, à plaider pour une femme qui se faisait battre par son mari. Et ce, peu importe l’interrogatoire de plusieurs heures que cette prise de parole lui coûtera… Autre crédo via lequel sa structure tend à faire bouger les lignes : rallier les hommes à la cause. « J’ai compris, avec le temps, la nécessite de travailler main dans la main avec eux. Nous avons, dans cette optique, créé un programme de masculinité positive. Résultat : des groupes d’hommes qui s’impliquent pour le droit des femmes n’hésitent pas à aller à la rencontre d’autres garçons pour les sensibiliser sur ces questions ». Parmi les autres moyens de faire raisonner haut et fort la voix d’AIDPROFEN, Passy Mubalama envisage de créer une radio donnant la parole à celles qui n’ont que trop peu la parole en République Démocratique du Congo. Un support qui, au-delà de lui rappeler son début de carrière, constituerait surtout un moyen de poursuivre sa lutte.