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Le 23 mai dernier, au SĂ©nĂ©gal, des manifestants exigeaient la criminalisation de lâhomosexualitĂ© et une peine de dix ans dâemprisonnement, contre cinq ans actuellement. Agressions, appels au meurtre : la violence envers les minoritĂ©s sexuelles et de genre a atteint un seuil extrĂȘmement alarmant, qualifiĂ©e de âgĂ©nocideâ par les activistes sur le terrain. Face Ă cette grave atteinte Ă la dignitĂ© humaine, la France ne prend pas position et poursuit sa diplomatie du silence, au dĂ©triment des minoritĂ©s sexuelles et de genre.
Au Cameroun, les relations entre majeurâeâs de mĂȘme sexe sont pĂ©nalisĂ©es, tout comme au SĂ©nĂ©gal oĂč lâEtat de droit nâest pas inclusif. Au Congo, ces mĂȘmes relations ne sont pas expressĂ©ment illĂ©gales mais lâĂąge de la majoritĂ© sexuelle diffĂšre pour les relations hĂ©tĂ©rosexuelles et homosexuelles,[1] et lâinfraction « dâoutrage public Ă la pudeur » est susceptible de recouvrir lâexpression dâune identitĂ© ou orientation sexuelle LGBTQIA+. Au total, ce sont 70 pays [2] dans le monde qui sanctionnent toujours les actes sexuels entre personnes de mĂȘme sexe. Un mouvement se structure Ă lâinternational pour lutter contre ces violations des droits humains en Afrique centrale et de lâouest.
Quelle place la France va-t-elle prendre dans ce mouvement ? A lâheure actuelle, on peine encore Ă recenser les actions du gouvernement français en soutien Ă ce dernier. En effet, en 2017/2018,[3] lâaide internationale allouĂ©e par la France aux communautĂ©s LGBTQIA+ ne reprĂ©sentait que 220 400 ⏠contre 25 209 521⏠pour la SuĂšde et 15 720 000 ⏠pour le Royaume-Uni.
PAS DâAIDE AU DĂVELOPPEMENT POUR LES MINORITĂS SEXUELLES ET DE GENRE
Plus rĂ©cemment, le projet de loi DĂ©veloppement solidaire et lutte contre les inĂ©galitĂ©s mondiales ne faisait aucunement mention des personnes LGBTQIA+ ou minoritĂ©s sexuelles et de genre comme bĂ©nĂ©ficiaires de lâaide au dĂ©veloppement pour les prochaines annĂ©es. Lâexemple du SĂ©nĂ©gal est Ă ce titre Ă©loquent : premier pays africain bĂ©nĂ©ficiaire de cette aide en 2019, mais sans soutien au mouvement LGBTQIA+. Ce constat est dâautant plus alarmant que la France est lâun des principaux pourvoyeurs dâaide au dĂ©veloppement dans les pays dâAfrique francophone.
Lâabsence de volontĂ© politique de la part des autoritĂ©s françaises de sâengager en faveur du mouvement LGBTQIA+ Ă lâinternational est donc criante. Un vrai paradoxe alors que le Plan national dâactions pour lâĂ©galitĂ© des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023 prĂ©voit un volet international, notamment un « soutien aux dĂ©fenseurs des droits des personnes LGBT+, aux ONG locales et aux militants, y compris en finançant les projets quâils mĂšnent au bĂ©nĂ©fice des personnes LGBT+ »[4].
MentionnĂ© systĂ©matiquement par les activistes en Afrique centrale et de lâouest, le manque de financements est le premier obstacle Ă la mise en place de projets, lâouverture de refuges, la lutte contre le SIDA/VIH et contre les LGBTQIA-phobies dans un contexte appelant pourtant une rĂ©action urgente.
La confĂ©rence mondiale sur lâinclusion et les droits des jeunes LGBTI+, organisĂ©e le 17 mai 2021 Ă lâoccasion de la journĂ©e mondiale contre la lâhomophobie et la transphobie, nâa pas donnĂ© lieu Ă lâannonce de mesures concrĂšte par la France pour amplifier son soutien au mouvement LGBTQIA+ dans le monde. Annonces retardĂ©es ou occasion manquĂ©e ?
SOUTENIR ET PROTĂGER LES DĂFENSEUR·SE·S DES DROITS LGBTQIA+
La diplomatie silencieuse nâaidera pas Ă dĂ©construire les mentalitĂ©s, ni Ă attĂ©nuer la violence. Ce que nos organisations attendent, câest que la France tienne la place qui lui incombe dans les rĂ©seaux internationaux de soutien aux minoritĂ©s sexuelles et de genre, et quâelle prenne des engagements pour soutenir financiĂšrement ces mouvements, Ă savoir : allouer un pourcentage de lâaide publique au dĂ©veloppement aux minoritĂ©s sexuelles et de genre ; mobiliser les rĂ©seaux diplomatiques, les opĂ©rateurâriceâs et les acteurâriceâs culturelâleâs françaisâses Ă lâĂ©tranger, notamment pour soutenir et protĂ©ger les dĂ©fenseurâseâs des droits LGBTQIA+ ; aider Ă construire un dialogue interculturel sur la question de lâorientation sexuelle et de lâidentitĂ© de genre ; porter la voix du mouvement LGBTQIA+ dans les instances internationales, cela dâautant plus que les volontĂ©s politiques au sein de ces organisations sont bien rĂ©elles ; et enfin sâassurer que ces fonds versĂ©s arrivent bien jusquâaux associations sur place.
Nos dirigeantâeâs doivent sortir de leurs postures en engageant des actions concrĂštes, Ă la hauteur de la politique globale de solidaritĂ© internationale de notre pays.
SIGNATAIRES
- Agir ensemble pour les droits humains â France
- Actions pour la Lutte Contre les Injustices Sociales â RDC
- ADHEOS â France
- AFARKAP â Haiti
- Afrique Arc-En-Ciel â France
- ALERTES LGBTI â France
- Arc en ciel plus â CĂŽte dâIvoire
- Arcolan â France
- ARDHIS â France
- Association Chouf (Tunisie)
- Association des Volontaires aux Personnes VulnĂ©rables et aux Enfants Orphelins » AVPVEO â RDC
- Association Togolaise pour les Femmes AbandonnĂ©es (ATFA) â Togo
- Centre LGBT CĂŽte dâAzur â France
- Centre LGBT de VendĂ©e â France
- Challenge Community â Mali
- CĆur Arc En Ciel â Congo
- Collectif Free â SĂ©nĂ©gal
- Elille â Maroc
- Equinoxe Centre LGBTI+ â France
- Exaequo â France
- FiertĂ© Montpellier Pride â France
- FiertĂ©s ColorĂ©es Centre LGBTQI+ 276 â France
- Health and Human Rights Cameroon (2HRC) â Cameroun
- HĂ©ritage Pour la Protection des Droits Humains â HaĂŻti
- Hirondelle Club BĂ©nin â BĂ©nin
- HomogĂšne â France
- Human Health Burkina â Burkina Faso
- LâAssociation Intersection pour les Droits et les LibertĂ©s â Tunisie
- Les Bascos â France
- LGBT+66 â France
- Mawjoudin pour lâĂ©galitĂ© â Tunisie
- Migrations, MinoritĂ©s Sexuelles et de Genre (2MSG) â France
- Nos Couleurs â France
- NOSIG Centre LGBTQI+ de Nantes â France
- OTRAH (Organisation Trans dâHaĂŻti) â HaĂŻti
- Proud Lebanon â Liban
- QUAZAR Centre LGBTI+ dâAngers et du Maine-et-Loire â France
- Savie asbl NGO LGBTIQ2 PGEL DRC- RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo
- SolidaritĂ© Internationale LGBTQI â France
- SolidaritĂ© LaĂŻque â France
- Xam XamlÚ (Sénégal)
[1] LâĂąge de la majoritĂ© pour les relations entre personnes de mĂȘme sexe est de 21 ans alors que celui applicable aux relations hĂ©tĂ©rosexuelles est 18 ans.
[2] Dans 6 de ces pays, les minorités sexuelles et de genre encourent la peine capitale. Dans les 64 autres, ces personnes et communautés encourent une peine de prison, parfois à vie.
[3] PĂ©riode couverte par le rapport du Global Philanthropic Project : « Rapport sur les ressources mondiales â Aides gouvernementales et philanthropiques aux communautĂ©s lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuĂ©es »
[4] Ainsi quâun renforcement des « actions de sensibilisation et de visibilitĂ© des postes diplomatiques Ă lâoccasion de la JournĂ©e mondiale de lutte contre lâhomophobie et la transphobie du 17 mai et des Marches des fiertĂ©s, soutien aux ONG locales et aux militants et dĂ©fenseurs des droits LGBT+ »